Jean REMAUDIÈRE
Jean Remaudière est l'un des plus talentueux jeunes poètes, avec Marc Patin, à rejoindre, en 1938, le groupe des Réverbères. Fondé par Michel Tapié, Jacques Bureau, Pierre Minne, Henri Bernard et le peintre Jean Marembert, le groupe néo-dadaïste Les Réverbères, édite, de 1938 à 1939, une revue éponyme (dans laquelle Remaudière publiera des poèmes et des manifestes), des plaquettes de poèmes (Tristan Tzara, Jean Cocteau, Jean Remaudière, Jean Jausion…), tout en organisant des expositions de peinture, des concerts de jazz (auxquels se joindra Django Reinhardt) et des représentations théâtrales (Guillaume Apollinaire, Georges Ribemont-Dessaignes). À la fin de cette aventure néo-dadaïste, Jean Remaudière participera aux activités du groupe de La Main à plume (dont le nom se réfère à Arthur Rimbaud); soit un collectif constitué par d’anciens membres, et du groupe surréaliste, et des Réverbères (dont Marc Patin), et qui comprend une vingtaine d’artistes et d’intellectuels. En pleine tourmente nazie, La Main à plume rassemble les forces vives (demeurées en France) du surréalisme et poursuit l’action intransigeante et critique de ce mouvement, en ces temps du terrible et de l'assassinat collectif. On perd défintivement toute trace de Jean Remaudière vers la fin de la guerre. "... La poésie doit faire sa police elle-même, provoquer elle-même la décantation nécessaire. Perles ou fumier, la distinction ne s'impose pas à bien des pourceaux. Que ceux-ci restent dans leurs porcheries; nous les laissons à leurs expériences d'élevages, à leurs racismes contradictoires. Et nous reviendrons, toujours en paix, à nos moutons. Le plus doux d'entre eux, peut-être, Jean Remaudière, vient de se détacher du groupe. Celui-ci vient de nous donner un livre qui nous fait oublier que bien des jeunes – dont beaucoup n'ont de jeune que leur âge mental et portent déjà de jolies barbes, dont on retrouve chaque poil dans leurs poèmes – se sont spécialisés dans les mélanges de sens et les mots volés. La place nous manque pour faire la critique de ses Longueurs d'onde. Nous la passerons à notre prochaine émission. Ne quittez pas l'écoute", Jacques Bureau (in Les Réverbères). À lire : Longueurs d'onde, Les Réverbères éditions.
Christophe DAUPHIN
(Revue Les Hommes sans Épaules).
IL FAUT BIEN METTRE UN PIED DEVANT L'AUTRE
j'attendrai une nuit totale
une nuit sans étoiles sans fenêtres
une nuit faite exprès pour ceux qui cherchent
qui ne veulent plus savoir
les désespérés
les ratés
les forçats qui traînent la sphère des souvenirs
la première femme qui passera
celle qui sera sans vêtements
qui glissera entre mes yeux sans regarder les feuilles mortes
qui marchera avec les doigts dans les oreilles
et qui ne se tirera pas la bonne aventure
celle qui vivra pour crever
je lui mettrai la main sur l'épaule
Jean REMAUDIÈRE
(in Les Réverbères n°3, 1938).
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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Dossier : MARC PATIN et le surréalisme n° 17 |